Extrait
: " Les rites funéraires Lorsqu'il
y avait quelqu'un de mort dans une maison, on fermait les volets tout le temps
que le mort y demeurait. C'était la famille qui veillait le mort, il y
avait un cierge à côté du mort, un rameau de buis et de l'eau
bénite afin que ceux qui venaient le voir une dernière fois puissent
bénir le corps. Il y avait toujours ça sur place.On faisait la toilette
du mort, et on l'habillait avec ses plus beaux habits, c'étaient toujours
les mêmes qui faisaient ça dans le village. Moi aussi j'ai fait ça
plusieurs fois. Bien sûr, ce n'était pas aussi bien fait que maintenant
à l'hôpital. On enterrait de préférence le matin, car
l'après-midi, c'étaient les vêpres, alors on ne pouvait pas
avoir la messe pour les morts que l'on voulait. De plus, cela permettait de manger
à midi le pot-au-feu en famille, cela permettait de se caler un peu pour
ceux qui venaient de loin avant de repartir. Et puis, c'était un peu l'occasion
de se rencontrer tous et de parler. On parlait un peu du mort, ça c'est
sûr, mais on parlait un peu de tout. On prévenait de maison en maison
du décès et de la date de l'enterrement. Il y avait un respect,
quand le corbillard passait on s'arrêtait pour voir le mort passer"
(Une habitante de Fresnes). Haut
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Extrait
:" L'andelée Quand
il y avait un mort dans le village, on "sonnait les morts". On appelait
ça une andelée. Pour un enfant jeune, c'était une andelée.
Normalement ça devait durer un quart d'heure. Mon grand-père l'a
fait. Au début, on tintait trois coups, et puis après on sonnait
l'andelée. Pour quelqu'un d'un peu plus vieux, deux andelées, et
pour les personnes âgées, trois andelées. C'était souvent
le garde-champêtre qui sonnait, alors quand vous aviez un mort le matin,
vous alliez le prévenir dans la journée et il commençait
le soir. Il sonnait, le matin, le midi et le soir comme ça. Quand vous
entendiez sonner, vous saviez qu'il y avait un mort dans le village. Même
quand c'était à Fresnes et que le vent venait du nord, vous entendiez
sonner, vous saviez que quelqu'un était décédé dans
le village voisin. On priait de l'enterrement : c'était quelqu'un qui priait,
il n'y a pas si longtemps que ça n'existe plus, on passait dans toutes
les maisons pour dire l'heure de l'enterrement. Si c'était une jeune fille
qui était morte, on allait à l'enterrement avec un voile blanc.
Enfin pour celles qui portaient les cordons du poêle. Au corbillard, il
y avait les cordons du poêle, c'est-à-dire quatre cordons aux coins
du corbillard attachés en haut et qui pendaient là. Si c'était
un homme, on cherchait quatre hommes dans le pays à peu près de
son âge ou qu'il connaissait bien. Ils tenaient de chaque côté,
parce qu'on allait chercher le mort à la maison. Le clergé, avec
les enfants de choeur, allaient à la maison du mort" (Mme Marcelle
Groult, Fleury). Haut
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Extrait
: "Les mais Le
mois de mai est actuellement caractérisé par le brin de muguet qu'on
offre le premier (Compiègne, Rambouillet et Meudon revendiquent l'initiative
de cette coutume) et par l'abondance des jours fériés dont ceux
qui en profitent se soucient peu de l'origine profane et religieuse. Il était
auparavant connu comme le mois de la Vierge, mais cette dédicace ne date
que du XVIIIe siècle, et le calendrier marial n'est guère riche
pour ce mois. En fait, le mois de mai, dans la société rurale,
était d'abord celui des rituels agraires de fécondité, de
fertilité et de protection des récoltes, si nécessaires au
moment de la lune rousse et des saints de glace. Les Rogations, qui se déroulaient
les trois jours avant l'Ascension, en constituaient le point fort. Elles devaient
emprunter différents chemins pour assurer la protection de tout le territoire.
Ainsi, dans les années 1870, Pihan rapporte qu'à Liancourt-Saint-Pierre,
la procession se rendait à la chapelle Saint-Gilles, au Vivray, pourtant
abandonnée depuis un siècle. A ce symbolisme, on peut associer
la coutume des "mais des jeunes filles", dont la connotation sexuelle
est apparente. A l'inverse des cérémonies agraires disparues du
Vexin avant la naissance de nos plus vieux témoins, le mai des jeunes filles
a duré jusqu'à la dernière guerre. En quoi cette coutume,
connue depuis le XIIIe siècle, consistait-elle? : "C'était
pour le premier mai. Suivant les jeunes filles, on mettait ou non de l'aubépine.
Il y avait les garçons qui allaient fleurir la porte des jeunes filles
la nuit et au matin, ils étaient généralement reçus
par le père de la jeune fille. On faisait des bouquets, et tant que ça
ne touchait pas par terre, les garçons ne pouvaient pas entrer par la grande
porte. Toutes les jeunes filles en avaient un, même les filles d'ouvriers.
Les garçons préparaient plein de mais, mais chaque jeune fille n'en
recevait qu'un. Cette tradition était beaucoup plus développée
du côté de Crevecoeur-le-Grand que dans nos régions"
(Mme A. Saint-Omer). Manière de susciter l'admiration de la population,
et surtout celle des filles, car manière de montrer que les jeunes hommes
célibataires étaient capables de bien des prouesses, le mai devait
être fixé très haut : "Il fallait accrocher le mai le
plus haut possible. Le mieux, c'était la cheminée. On était
plusieurs et on se déplaçait avec une échelle. Il n'y en
avait pas tellement à Vaudancourt, des filles, alors, le tour, c'était
vite fait. On mettait du lilas de n'importe quelle couleur. On ne mettait que
du lilas" (M. L. Pourfilet). "J'ai eu sur le toit de l'école
un bouquet de fleurs blanches, je me demande comment il avait pu monter là-haut.
Cela se faisait discrètement la nuit, j'ai su beaucoup plus tard qui c'était.
Je ne me rappelle plus ce que c'était comme fleurs. Il y avait la cloche
de l'école, il avait dû s'aider de la ficelle pour monter sur le
toit" (Mlle A. Rançon). "Discrètement, la nuit",
le témoignage rappelle que la pratique était collective et anonyme.
Elle donnait aussi l'occasion de régler des comptes. "Tous les ans,
les jeunes gens s'amusaient à faire cela. Je me rappelle, il y avait une
autre maison où les filles, c'était pas terrible pour la mentalité,
alors tous les ans, elles y avaient droit. Cela a duré jusqu'après
la guerre" (Mlle A. Rançon). "On mettait des chardons, on les
accrochait à la porte de la rue, on ne pouvait pas rentrer comme ça
dans les familles. Et les filles, quand elles avaient des chardons, elles n'aimaient
pas..." (M. Marcel Le Bihan). Aubépine, lilas, fleurs blanches,
chardon, il semble que le langage des fleurs connaissait des variations locales
tout en utilisant un répertoire commun fondé sur les plantes et
les arbustes à la fois courants et disponibles à cette date. "J'ai
accroché à la cheminée de ma future femme un bouquet de fleurs,
je me suis marié en 1949. Lilas blanc je te prends, lilas mauve je te laisse,
l'aubépine je t'estime" (M. J. Malledant). "Merisier je t'épouserai,
le lilas je te laisse là" (Mme M. Groult). "On accrochait du
muguet sur la porte des filles, enfin celles que l'on trouvait pas mal. On allait
en chercher dans les bois" (M. M. Brochard). "Le premier mai, rapportait
Cambry, premier préfet de l'Oise au début du XIXe siècle,
les jeunes gens du canton de Baboeuf vont planter des bouleaux à la porte
de leur maîtresse ; s'ils veulent rompre avec elle, ils substituent du sureau,
signe de mépris, au bouleau emblème de leur amour". Ailleurs
dans l'Oise, nous dit-on, le sapin signifiait "je vous donne ma main",
et l'épine "je vous aime". En revanche, nous n'avons pas trouvé
de témoignages sur l'autre forme du mai, l'hommage rendu aux autorités
locales, seigneurs sous l'Ancien Régime, maires, curés et instituteurs
plus tard, comme cela se fait encore dans quelques régions de France. Cambry
indique pourtant que cela se pratiquait aussi dans le Vexin vers 1800 : "Cette
année-même à Trie [Château], on a placé un mai
à la porte du maire. Il y a dix ans, on mettait des couronnes à
celles du maître d'école, du seigneur du village et de la femme qu'on
aimait". haut
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Extraits
: " La moisson et la passée d'août La
fin de la moisson est restée, dans les mémoires, liée au
repas de la passée d'août. Dans chaque ferme, petite ou grande,
le repas de la passée d'août était une tradition : "On
fêtait toujours la fin de la moisson, je faisais une oie rôtie, des
tartes avec les fruits de saison. Il y avait mon mari, le charretier, et sa femme
qui nous aidait aux moments des grands travaux comme la moisson. Et puis moi.
On n'était pas beaucoup, mais on faisait un bon repas" (Mme M. Fournier). Le
bouquet de moisson était tout aussi rituel. On faisait un support de grandes
branches d'arbres, on y accrochait de l'avoine et du blé tressés,
et on finissait la décoration, qui différait suivant la région
(les bouquets du Vexin avaient donc des formes différentes, en raison des
diverses provenances géographiques des ouvriers agricoles) avec des fleurs
et des rubans. "Nous, on mettait des branches de sapin ou des branches de
feuillard, enfin du hêtre, des fleurs, des brins de blé, d'orge et
d'avoine, et des rubans. C'étaient les hommes qui le faisaient. Ils l'offraient
à la patronne qui l'arrosait" (Mme Y. Laute). Parfois, c'était
un pétillon [genévrier] qui formait l'ossature du bouquet. Les blés
et autres céréales étaient disposés de façons
différentes, mais figuraient toujours, dans le bouquet, accompagnés
de fleurs. On s'arrangeait pour finir la dernière charrette en milieu
d'après-midi. On y hissait le bouquet ou mai et on rentrait à la
ferme pour l'offrir à la patronne. La fermière, ou bien le premier
charretier, l'accrochait à la porte de la ferme, bien haut pour qu'il soit
visible de l'extérieur, et il y restait jusqu'à l'année suivante.
Les oiseaux se chargeaient de venir grappiller les grains. "On faisait toujours
un beau bouquet, pour la fin de la moisson, avec des épis de blé.
"On crochait le bouquet à la porte de la ferme, on décrochait
l'autre, et les poules picoraient dedans. Les moineaux s'en étaient chargés
avant, alors, il ne devait pas rester beaucoup de blé dans les épis.
On ne faisait pas un repas, mais un goûter. On était bien vingt-vingt-cinq
au moins pour la passée d'août. Cela se passait sous le kiosque,
il y avait une multitude de gâteaux" (M et Mme G. Doré). La
passée d'août était arrosée de cidre bouché,
"mais pas de la piquette ou cidre de quatorze chevaux" (treize qui charrient
l'eau, un qui charrie les pommes) ou de vin. Les images en sont restées
dans les mémoires : "Je me rappelle chez Sarrazin, il y avait les
quatre chevaux qui entraient dans la cour de la ferme, je les vois encore passer
le porche, attelés à une charrette chargée de gerbes de blé.
Dessus, accroché à la rambarde, il y avait un grand bouquet avec
un pétillon et des fleurs. C'étaient surtout des dahlias, et puis
il y avait quelques rubans. Il y avait quinze-vingt ouvriers, alors, avec les
femmes et les gosses, cela faisait une sacrée tablée. Après,
on ne dansait pas, car les trois quarts, après le déjeuner, étaient
pompettes, alors ils cherchaient plutôt un coin pour aller dormir. Pour
danser, l'équilibre n'était pas terrible..." (M. M. Brochard).
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